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Beth


Beth de Sofer Stam

ZOHAR

Le Beth (v) entra et dit :

- Maître du monde, veuille créer par moi le monde, car avec moi tu es béni (baroukh) en haut et en bas.

Le Saint-béni-soit-Il lui répondit :

- Oh, c'est certain! par toi je créerai le monde et tu seras le commencement de cette création.

La lettre Aleph (a) immobile, n'entrait  pas. Le Saint béni soit-Il lui dit :

-Aleph, Aleph! pourquoi n'entres-tu pas en ma présence comme les autres lettres?

Elle lui répondit :

- Maître du monde, nous avons observé que toutes les lettres sont sorties de ta présence sans résultat. Que ferai-je là-bas? En outre tu as fait ce présent remarquable à la lettre Beth et il ne convient pas pour le Roi Très-Haut d'enlever le présent fait à son serviteur et le donner à un autre… Et le Saint-béni- soit-Il fit grandes les lettres d'en haut et petites les lettres d'en bas. C'est pour cela qu'il y a deux Beth au commencement de la Genèse (beréshit bara) et deux Aleph ( Elohim et eth ), lettres d'en haut et d'en bas.

Elles sont une seule réalité venant du monde d'en-haut et du monde d'en-bas.

SYMBOLISME
 

La lettre Beth dans l’alphabet traditionnel des sofers est un ensemble de traits dont il faut prendre soin de n’en omettre aucun pour conserver ses valeurs mystiques. Elle est composée de trois éléments. Son cadre est de trois becs de plume sur trois becs. Le vide entre la potence et la base doit être équivalent à l’épaisseur d’un de ces traits. La base doit dépasser légèrement vers la droite, ce qui forme une queue qui la distingue du Khaf. Sur sa potence ne siège qu’une couronne.

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.

La lettre Beth est très importante dans l’univers kabbalistique. Elle commence le récit de la Torah. Le mot Béréshit, au commencement, à lui seul mérite des volumes entiers d’interprétations. Première lettre de la Bible et seconde de l’alphabet. Avec elle commence la création de l’univers. Sa valeur numérique est deux. La création est ainsi marquée du sceau de la dualité. Avec l’Aleph, l’unité, le monde ne pouvait pas être créé. Pour qu’il y ait monde il fallait entrer dans les lois de la dualité. Du deux, toutes les autres valeurs découleront. Le passage du Un au Deux dans la tradition est nommé Tsim-Tsoum, le retrait de Dieu. Pour que le monde advienne, quitte son unité, il a fallu le sacrifice du Un.

Son sens le plus littéral est la Maison. Le Beth est la Maison du Créateur. La valeur grammaticale du Beth renforce cette notion de contenant. v est aussi une préposition qui collée à un substantif est équivalente à notre dans. La notion d’espace intérieur de la lettre perdure toujours ici. Il faut savoir qu’en hébreu les prépositions s’intègrent dans le corps même des mots qu’elles déterminent. Le mot Béréshit, abusivement traduit par au commencement serait plutôt comme le suggère André Chouraqui En-tête. Élevant la création au plus haut niveau spirituel du corps humain. Nous avons la préposition En v suivit de réshit ayant pour racine le mot tête.

Le Beth dans le récit du Zohar est la lettre plus habilitée pour créer le monde.  Ce qui pourrait laisser entendre que le judaïsme serait un dualisme. Mais cela serait s’arrêter à la surface des choses, car aussitôt après le discours de Dieu au Beth, l’Aleph qui est l’unité, intervient, et Dieu le sanctifie et le maintient présent dans tous les êtres et les choses de l’univers.

La forme de la lettre elle-même indique qu’il y a un monde avant la création et un monde après. L’ouverture du Beth regarde vers la gauche, c’est-à-dire dans le sens de l’écriture hébraïque, vers l’avenir. Le Beth imprime sa marque à tout ce qui suivra. Il marque l’ouverture au devenir mais aussi la fermeture à ce qui précédait. Demeurera à jamais secret ce qui était avant la Création, mais aussi ce qui est au-dessus et ce qui est en dessous. En effet, la lettre est fermée à droite, en bas et en haut. La part du Beth est donc le présent et l’avenir dans la linéarité.

Le Beth est encore une lettre nodale dans le récit de la Création et d’une manière générale dans le judaïsme, il est l’initiale de  Baroukh, la bénédiction. Dès le premier chapitre de la Genèse, Dieu bénit les créatures des airs et des eaux, mais aussi l’homme. Le monde commence par le Beth des bénédictions. Le Beth bénit ainsi les milliers de mots de la Bible qui suivront. Cette bénédiction fait écho au Tov, au Bon. Dès le verset 3 du premier chapitre de la Bible, Dieu trouve ses successives créations bonnes. L’univers dans la tradition, contrairement à certaines visions pessimistes du Moyen-Orient, comme celle de Manès ou de certains gnostiques, est foncièrement bon.

Dieu dit :
  Que la lumière soit et la lumière fut.
Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres.

Le Beth par sa faculté à contenir, à recevoir évoque les vertus féminines. Le Beth est gravide du monde à venir. En revanche l’Aleph, le Taureau, avec sa force et ses deux cornes comme autant d’antennes ressort plus de l’univers masculin qui émet, qui jaillit. Les deux cornes sont facilement identifiables à des symboles phalliques. Vu sa position dans l’alphabet hébreu on peut dire l’Aleph féconde le Beth, que l’Unité ensemence le Deux. Le monde du Beth peut être perçu comme la matrice du divin. Le Beth et l’Aleph sont indissociables, Dans la tradition juive il n’est pas un blasphème de dire que Dieu a besoin de l’homme.

Le terme maison en français est réducteur de la teneur générique du mot Beith hébraïque. L’hébreu est une langue très pauvre en vocabulaire. La Bible entière s’écrit avec 6 000 mots. Chaque vocable est un lexique à lui tout seul. Dans la tradition, le Beith est lié au peuple d’Israël, Beith Israël, comme on dit en français, la Maison de France, mais surtout au lieu saint des hébreux : le Beith hamiqdash, le Temple, construit vers 980 avant J.-C. par Salomon avec l’aide d’Hiram. Dans l’enceinte de cette architecture se trouvait le naos du Saint des Saints, petite pièce où chaque année le Grand Prêtre devait prononcer le Nom secret ineffable de Dieu, le Tétragramme, YHVH, consonnes imprononçables les plus sacrées du monde juif. « Je les mènerai à ma sainte montagne, je les comblerai de joie dans ma maison de prière.  Leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel, car ma maison (Beith) sera appelée maison de prière pour tous les peuples. (Isaie 56,7)

Dans la Kabbale le Beth est un des pilier de l’arbre séfirotique. Notre lettre est l’initiale de la séfira Binah, l’intelligence qui est la source ou la fontaine de tout ce qui est. Elle est la troisième séfira supérieure. Il existe un lien étroit entre l’autre séfira hokhma, la sagesse, et bina, deux des trois sefirot suprêmes, appelées aussi abba et imma (père et mère). Sans l’union de hokhma et bina le monde cesserait d'exister.

GUÉMATRIA
La valeur numérique du Beth est 2. Dans le système de perception commune, ce 2 est fondamental, il représente toutes les paires, toutes les dialectiques : bien/mal, jour/nuit, homme/femme, haut/bas. Le Beth est l’antithèse du Aleph, maître de l’unité. Mais dans le monde créé, point de place pour l’unité pure. La reconnaissance du Un passe l’expérience du Deux. La première action que fait Dieu dans les premiers mots de la Genèses est la création de la lumière, la séparation des ténèbres et de la lumière. La séparation est le mode d’opération de Dieu pour créer le monde. Après la lumière, il sépare les eaux d’en-haut des eaux d’en-bas.

En lecture éclatée, le Beth peut être formé de deux Daleth, ou bien d’un Vav et d’un Daleth. Dans la première formule, le Beth serait composé d’une porte (Daleth) inférieure, le monde d’en bas, et d’une porte supérieure, le monde d’en haut. La valeur de ces deux Daleth est 8. La deuxième formule Vav Daleth donne 10, c’est-à-dire la valeur du Yod qui représente la réalisation du Un.

En graphie complète le Beth s’écrit : Beth, Yod et Tav, ce qui porte sa valeur numérique à 412 comme un autre mot clé, Taavah, le désir. Ce qui projette l’être vers son devenir. Nous retrouvons là l’aspect d’ouverture de la lettre.

La première lettre de la Torah, le Beth de Beréchit, est écrite avec un grand Beth, comme si c’était pour faire ressortir un caractère tout exceptionnel de ce premier Beth ! En sachant que la valeur numérique de la lettre Beth est 2, nous pourrons en effet traduire ce premier Beth par ce 2, pour lire ainsi dans ce texte : - « 2 réchit bara Elokim », « 2 débuts créa l’Eternel, le ciel et la terre ».

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