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Yod


GÉNÉRALITÉS

Après l’Aleph, le Yod est une des lettres majeures dans la tradition hébraïque. Sa présence première dans le Tétragramme fait d’elle une grande lettre. Pourtant, elle est la plus petite de tout l’alphabet. Elle une sorte d’atome qui construit tous les autres graphes hébreux.
En effet, sans elle tout le graphisme particulier de l’hébreu carré s’effondre, car elle soutient tout l’édifice. Dans tout l’arsenal des hiéroglyphes où la main est présente, les inventeurs du proto-sinaïtiques ont choisi cette forme particulière d’une main qui donne. L’écriture égyptienne offrent une variété de bras tendus, certains expriment la guerre, d’autres la négation ou la prière.

En hébreu  le Yad ne désigne pas seulement la main humaine. Il est chargé de nombreuses significations, comme pouvoir, puissance, force, domination, mais aussi, lieu, bord, côté, endroit, inscription, conseil ou mouvement. Dans la Bible, le pouvoir et la puissance de Dieu se disent Yad-Adonaï, la main de Dieu. Il est le sceptre, l’emblème de la maîtrise régalienne. On trouve souvent dans les écritures l’expression la main de justice, qui elle aussi est un privilège royal. Le Yod hébraïque couronne presque toutes les lettres, affichant ainsi son emprise.

TRADITION
 
Yod de la semi-cursive Rachi.
ZOHAR

Or, ne vois-tu pas qu'il est à leur commencement et qu'il est dit: « Et YHVH est à leur tête » (Michée 2, 13)?
C'est parce que nous savons que tout Nom qui s'écrit avec Yod   Vav  est propre au Saint-béni- soit-Il, et est sanctifié dans le Saint.
Et que signifie « dans le Saint »?
Dans le saint Heykhal (lieu sacré du Temple).
Et où se trouve le Saint Heykhal?
On dit qu'il est dans la Pensée et c'est là Aleph.
C'est ce que veut dire le verset: « YHVH, j'ai entendu ce que Tu as donné à entendre et j'ai été pris de crainte » (Habacuq 3, 2).

On pourrait écrire un livre entier sur cette lettre. Elle est une des lettres les plus louées dans la tradition juive, et cela à tous les niveaux, religieux, mystiques, grammaticaux et numérologiques.
Elle est la première lettre du Tétragramme et elle est devenue son substitut. Quand dans un texte vous lisez deux Yod, il faut comprendre qu’il s’agit d’un « surnom » du vocable sacré. Quand Jésus commandait de n’ôter un seul Iota, c’est-à-dire, un seul Yod de la Torah, cela voulait dire qu’il ne fallait pas toucher à l’intégrité du message. Le Yod construisant toutes les autres lettres, s’il vient à manquer, tout l’édifice s’écroule, le monde s’écroule, comme lors de la réaction en chaîne des bombes atomiques. S’attaquer à la plus infime partie s’avère la pratique la plus dangereuse.       
Chose curieuse, il est une autre lettre substitut du Tétragramme : le . Le  et le Yod sont très liés.  a pour valeur cinq, c’est-à-dire il faut deux  pour faire un Yod valant dix. Dieu dans le Genèse change les noms des deux grands personnages de la Bible que sont Avram et Saraï, à qui il ajoute à chacun un  à leur ancien nom. Ces deux  additionnés égalent la lettre Yod, emblème de la présence divine. Saraï devint Sarah et Avram, Abraham. Dieu aurait-il voulu faire partager la perfection féminine à l’homme, en ne donnant qu’à chacun des deux membres du couple que la moitié de la lettre sacrée ? Des commentateurs pensent que c’est là un moyen d’exprimer que l’homme sans la femme ne peut accéder aux mondes supérieurs.

Le Yod est la plus petite lettre de l’alphabet. Comment un si petit graphe peut-il prévaloir sur les autres ? Ceci nous enseigne le primat de la qualité sur la quantité. Une analogie phonétique se trouve dans la métaphore suivante : le Yod est la plus petite lettre parmi les lettres de l’alphabet, de même le peuple juif (Jéhudim, Juif en hébreu,  peuple du Yod), est le plus petit peuple parmi les nations. Au regard de la tradition les Juifs sont chargés de la transmission du message sinaïtique et en particulier de l’observation des Dix Commandements. Les sages se posent la question, pourquoi Dieu a-t-il choisi ce peuple le plus pauvre, esclave du Pharaon, plus tard, ce royaume tout petit, et encore plus tard ces apatrides sans endroit où se reposer pour transmettre ses paroles ultimes ? L’élection, très mal comprise des commentateurs chrétiens, n’est rien d’autre que cette responsabilité. 

Le graphisme particulier du Yod ramène au point fondamental. Ce point est l’acte minimal qui commence tout trait. Ce punctum est aussi le centre de la circonférence d’un disque dont on ne connaît pas le diamètre. Il évoque, pour reprendre une image de la physique contemporaine, l’univers précédant le Big Bang, quelques instants avant son explosion. Ce point peut être le départ du Tout mais aussi a contrario, le retrait du Tout : la contraction majeure du divin. La Kabbale appelle ce mouvement le Tsimtsoum. 

Sache qu'avant que ne soient émanés les émanés et que les créatures ne soient créées, une lumière supérieure simple remplissait toute la réalité. Il n'y avait aucune place libre, sous l'aspect d'un air vide et d'un creux, mais tout était rempli de cette lumière infinie simple; elle n'avait ni début ni fin ; tout était lumière, une, simple, homogène d'une homogénéité une, et c'est ce que l'on appelle la Lumière de l'Infini (Or En Sof). Lorsque « monta à sa volonté simple » de créer les mondes et d' émaner les émanés pour manifester la perfection de ses actions, de ses noms et de ses attributs, ce qui était la cause de la création des mondes, alors, il se contracta lui-même, l'Infini, en son point central, vraiment au milieu; et il contracta cette lumière, qui s'éloigna sur les côtés, autour du point central. Il resta alors : une place vide, de l'air, un creux vide, de ce point central vraiment. sefer Ets Hayyim, in site Gérard Hansel)

Pour la Rabbi Nahman de Braslav, par le Tsimtsoum,  Dieu se retire de lui-même, pour laisser place à l’Autre, à la créature, à la création. « Dans ce retrait, La Création et la créature sont pris dans un mouvement de reconquête de tout l’espace vide, pour reconstruire une totalité » (Marc-Alain Ouaknin, Tsimtsoum).
L’effacement de soi est aussi visible dans sa forme. Les maîtres la voient comme un homme en position d’infini humilité, à genoux, la tête inclinée vers le bas.
La lettre Yod (y) entra en sa présence et dit : « Maître du monde, veuille créer par moi le monde, car je suis le début du Nom Saint (hwhy), et il convient pour toi de créer par moi le monde ».
Il lui répondit : « Il te suffit d'être gravée en moi et d'être inscrite en moi. Cesse donc! Il ne te convient pas d'être déracinée de mon Nom ».

Ce passage du Zohar met en valeur l’humilité du Yod. Il est une des quelques lettres refusées à qui Dieu ne fait aucun reproche. Presque toutes les autres sont ambivalentes. Le Yod doit se contenter d’être. Une fois de plus la lettre est considérée comme une énergie. Elle est en quelque sorte l’énergie atomique, invisible mais opérant en toute chose, même dans la dimension la plus abstraite du Tétragramme. Ce presque-rien qu’est le Yod est comme la graine laissée par Dieu dans notre cœur qui nous rappellera toujours le Tétragramme. N’oublions pas que YHVH est associé dans la tradition à la Miséricorde, au féminin, alors qu’Élohim l’est à la justice, au masculin.
Le Yod est l’élément marqueur de la mutation du futur dans la conjugaison des verbes à la troisième personne du masculin. Il est aussi le suffixe adjectif possessif placé à la fin des substantifs. Il marque les noms de nation ou de famille, exemple Yeroushalmi, habitant de Jérusalem, Tséfati, Français.

GUÉMATRIA

Le Yod est le chiffre 10. Le 10 est la  marque de la fin d’un cycle. On quitte le domaine des unités pour aborder les dizaines, puis les centaines par simple jeu des combinatoires. Le dix est l’ouverture vers la multiplicité. Ce dix est la présence du Un dans les mille choses comme disent les Chinois.
Le Yod contrairement aux autres lettres de l’alphabet n’est pas sécable en plusieurs lettres. On peut trouver une extension de sa valeur numérique en ajoutant les différentes lettres qui la composent : Yod, Vav et Daleth, ce qui donne, 10+6+4 = 20, c’est-à-dire deux fois dix, nous retombons ainsi sur les deux Yod qui sont la graphie allégée du Tétragramme.  

Les Dix Paroles sont l’axe de tout le judaïsme. La représentation sous forme de deux tables de la loi nous indique la division par deux du nombre dix. Cinq commandements sur chaque volet. Deux fois l’équivalent du . Voici de nouveau une manière d’obtenir dix en passant par deux  comme dans la nomination d’Avram et Saraï en divisant par deux le Yod finissant Saraï.

étoile de David faite de six Yod (par Lalou)

ZOHAR, 13B

« Le nom YHVH sera appelé sur toi et l’on te craindra » (Deutéronome. 28,10) fait allusion au phylactère de la tête qui constitue le Nom saint dans l’ordre de ses lettres. La première section, « Sanctifié pour l’aîné, etc. » (Exode 13,2) représente la lettre Yod qui est la sainte prémice de toutes les saintetés de l’En-haut. « Elle ouvre la matrice » par la pointe effilée qui descend de sa base. C’est elle qui ouvre la matrice pour produire des fruits et des rejetons convenables ; elle est la suprême sainteté. La seconde section, « Et lorsqu’il t’aura fait entrer, etc. » représente le , qui est le Palais dont la matrice a été ouverte par le Yod. À travers les cinquante portes, corridors et chambres closes de ce Palais entrouvert par le Yod, l’on entend un son qui jaillit du Chofar.

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